Qui fait un signalement ?

Mesdames et Messieurs le Parlement,

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Le projet de loi « visant à clarifier la procédure de signalement des cas de maltraitance par les professionnels de la santé » sera discuté au Sénat le 22 octobre. La loi vise à garantir l’impunité civile et pénale des médecins et assistants médicaux qui signalent ou transmettent des informations inquiétantes, dans le but de les encourager à faire davantage de rapports.

Ce bill est manifestement inconstitutionnel parce qu’il a l’intention de placer un groupe de personnes au-dessus de la loi. Il convient de rappeler que l’article 6 de la Constitution de 1789 dispose que la loi « doit être la même pour tous, qu’elle la protège ou la sanctionne ». Nous ne pouvons que nous être choqués par une loi qui vise à « réaffirmer clairement l’irresponsabilité des médecins », comme l’a souligné le sénateur François Pillet lors du débat en première lecture au Sénat, en totale contradiction avec l’article 6 de la Constitution.

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De plus, ce projet de loi est le résultat d’une profonde erreur analytique :

  • le manque l’efficacité du système de protection de l’enfance dans la prévention des mauvais traitements n’est pas due à l’absence de rapports
  • la proportion de déclarations faites par les médecins est mal connue et, dans tous les cas, les médecins font preuve de prudence justifiée que les autres professionnels ne
  • de nombreuses familles sont victimes de rapports abusifs, ce qui a de graves conséquences
  • il est faux de penser que les médecins sont poursuivis en cas de signalement abusif : ces poursuites sont déjà presque impossibles aujourd’hui

Ce projet de loi est contre-productif car, bien qu’il ait donné lieu à davantage de rapports, les services sociaux et le système judiciaire, engorgés de cas de préoccupation et de rapports qui ne sont pas fondés sur des abus avérés, seraient encore moins attentifs aux situations réellement préoccupantes et ne pourraient pas consacrer les temps à eux.

C’ est pourquoi nous vous demandons de voter contre ce projet de loi, ou, s’il devait être voté, de demander au Conseil constitutionnel une révision de la constitutionnalité, peut être fait à l’initiative de 60 sénateurs ou 60 députés .

  1. Le manque d’efficacité du système de protection de l’enfance dans la prévention des mauvais traitements n’est pas dû à l’absence de rapports

Aucune étude d’évaluation du système de protection de l’enfance ne montre que les rapports et les informations inquiétantes sont insuffisants. Ainsi, à Paris, entre 2007 et 2010, le nombre d’informations préoccupantes a augmenté de 118% en 4 ans, selon le CRIP de Paris. Cette augmentation a-t-elle mieux protégé les enfants en danger réel ? Le rapport de l’IGAS et de l’IGSJ « Mission d’évaluation de la gouvernance de la protection de l’enfance » de juillet 2014 sur la protection de l’enfance est clair : « En tout état de cause, il n’y a pas suffisamment de preuves pour évaluer le nombre ou l’évolution des mesures d’accueil par rapport aux intérêts des enfants et des adolescents ».

Comme l’a démontré récemment l’affaire Bastien, les abus sont le plus souvent signalés. Avant que Bastien ne soit tué dans une machine à laver par son père, il y avait eu 3 rapports et 9 informations inquiétantes.

  1. La proportion de déclarations faites par les médecins est mal connue et, dans tous les cas, les médecins font preuve de prudence justifiée que les autres professionnels n’ont pas

La proportion de médecins et d’assistants médicaux qui font des rapports est mal connue et à prendre avec prudence : lors du débat au Sénat, le sénateur François Pillet a déclaré que 5% des rapports étaient faits par des médecins, citant le Dr Grouchka, de la Haute Autorité de la Santé. Toutefois, ce chiffre ne semble pas être étayé par aucune source officielle. L’ONED (Observatoire national de l’enfance en danger), dans son seul rapport sur les informations préoccupantes (datant de 2011), n’a pas été en mesure de fournir des détails précis sur l’origine des informations préoccupantes, faute d’enquête statistique précise du CRIP sur le sujet. Aucune statistique sur les rapports des médecins n’est incluse dans le présent rapport.

Dans tous les cas, c’est la prudence qui guide et non la crainte d’avoir à rendre compte de leurs responsabilités devant les tribunaux, comme l’indique le rapport du Comité sénatorial droit : « peut être dissuadée par l’impact humain et social de la mise en œuvre d’une telle procédure, ce qui peut conduire, en cas d’erreur, à la destruction d’une famille ou à la la carrière professionnelle de la personne soupçonnée d’être l’auteur de l’abus. Les médecins estiment qu’ils ont manqué à leur devoir de loyauté envers leur patient et qu’ils sont à l’origine de la rupture de confiance avec la famille ».

Les médecins craignent même que d’autres professionnels manquent de cette prudence, ce qui a conduit le Conseil de l’Ordre des Médecins de Paris à alerter, en 2013, la très forte augmentation du nombre de rapports.

L’ ONED (Observatoire national de l’enfance en danger) est donc surpris par le nombre de rapports réalisés par les professionnels de l’éducation nationale : « L’observation du grand nombre d’informations inquiétantes provenant de la L’éducation, explique l’ONED, « pourrait mener à d’autres questions : que couvrent ces NP ? L’absentéisme est-il essentiellement considéré comme une PI ? Selon quels critères ?

Il semble donc que le problème n’est pas que les médecins font trop peu de rapports, mais que d’autres professionnels en font trop, et sans critères.  »

  1. Les graves conséquences du signalement abusif

Les familles sont souvent victimes de rapports de violence, ce qui a de graves conséquences pour la santé psychologique des parents et des enfants, comme vous pouvez le constater dans ce rapport de la FNASEPH (p. 16 à 18), où les témoignages de familles victimes de rapports de violence sont rendus.

Dans certains cas, le signalement abusif combiné à des dysfonctionnements de la protection de l’enfance entraîne un placement abusif. La presse a pu faire écho à des cas de maladie des os de verre ou d’une maladie génétique rare causant des hématomes spontanés qui ont conduit à un placement abusif, et en outre très longtemps même lorsque les familles sont finalement blanchies. C’est également le cas pour de nombreuses familles atteintes d’autisme : le trouble est remis en question par des professionnels qui n’ont pas de connaissances à jour, et les familles, souvent monoparentales, font retirer leurs enfants en raison de déficiences pseudo-éducatives. Ce phénomène est analysé dans le rapport ASE d’Autism France.

Les médecins qui ont commis ces lourdes erreurs ne devraient-ils jamais avoir à répondre ? La plupart du temps, les médecins ne voient en aucun cas leur responsabilité compte tenu des difficultés rencontrées par les familles pour les poursuivre.

  1. Il est faux de penser que les médecins sont victimes de poursuites en cas de signalement abusif

Nous ne comprenons pas les chiffres qui ont été présentés aux parlementaires pour justifier la nécessité de ce projet de loi. Le Dr André Deseur, Vice-Président de l’Ordre national des médecins, auditionné par le rapporteur du Comité juridique, a déclaré que « depuis 2004, 200 procédures disciplinaires ont été engagées » et que « moins d’un quart des plaintes concernaient des cas de maltraitance d’enfants », soit moins de 50 en 11 ans (moins de 5 par an !).

Comme le montre le rapport de la FNASEPH (voir p. 14), il est en fait extrêmement difficile pour une famille qui a été victime de rapports abusifs de demander au Bureau du Procureur de répondre à une éventuelle plainte de dénonciation diffamatoire.

Nous vous demandons donc de rejeter ce bill ou, si nécessaire, de demander un contrôle de constitutionnalité. En attendant, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs, d’accepter nos meilleurs salutations.

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